Josef lit beaucoup, écrit depuis longtemps. Il a six ans, il commence à parler. Un peu. À peine. Lentement. L’élocution besogneuse regorge de mots étranges, incompris parce que souvent trop érudits. Inapte au discours pragmatique relationnel, il excelle dans les « exposés ». D’astronomie surtout. Il a marché tard, sa démarche reste particulière, bourrée de stéréotypies. Les autres l’angoissent. Il déchiffre mal le sens de leurs mimiques, il redoute leurs jeux de regard, les esquive. Josef grandit, « génie » en maths, en langues, « cancre » en codes sociaux qu’il doit apprendre sans les comprendre. Rigide, d’une dialectique singulière, ses centres d’intérêt sont circonscrits, il est passionné de livres. Il intègre Sciences Po. Obtient un doctorat de philosophie. Un temps dépressif, il est surmédicalisé ; le diagnostic erre, longtemps, puis tombe : Josef vit « avec un Asperger ». Cette forme d’autisme sans déficience intellectuelle.